Longtemps la possibilité d’une vie complexe, voire d’une civilisation, sur une autre planète paraissait comme une hypothèse probable à la population et aux scientifiques. La dualité Venus–Mars apparaît car même si les « canaux » (en réalité des canyons) de Mars laissaient penser qu’elle abrite des bâtisseurs. Les éternels nuages de Vénus laissaient travailler l’imaginaire. Un genre littéraire se développe dans la première moitié du XXème siècle sur la conviction que la vie existe sur ces deux planètes.
Cette recherche de la vie est un puissant moteur à l’exploration car elle permet à l’Humanité de se sentir moins seule dans l’univers et permettrait d’avancer sur la question de nos origines. Les médias de vulgarisation scientifique et généraliste sont donc très friands de missions spatiales. Les différentes étapes comme le décollage, l’atterrissage et la fin de vie de la sonde donnent lieu à des reportages ou des articles. La plupart du temps, lorsque c’est une découverte scientifique, elle est présente comme pouvant être due à l’existence d’une forme de vie. En jouant sur le fantasme de la population de voir une vie extraterrestre, mais n’ayant pas de preuve définitive, cela entretient le mystère. Avec ce véritable feuilleton scientifique, le public est tenu en haleine et aura tendance à être plus favorable à des missions toujours plus ambitieuses.
Les premières missions dans les années 60 ont rapidement prouvé qu’une forme de vie complexe similaire à celle présente sur Terre ne pouvait exister dans le système solaire. Cependant des études plus approfondies semblent indiquer que les conditions proches de la Terre, donc propices à la vie, étaient présentes il y a des milliards d’années sur les deux voisines de la Terre. Cependant, sur Vénus le resurfaçage auraient fait disparaître toute trace de sol de l’époque et ainsi détruit les éventuelles traces de vie. Sur Mars, la géologie est bien plus stable et des traces de vie pourraient avoir été conservées. Les choses ont donc radicalement changé dans les années 90. De 1992 à 2018, c’est 19 missions dont 13 américains comprenant orbiteurs, atterrisseurs et rovers qui ont été envoyé vers Mars contre 2 orbiteurs vers Vénus.
Le cinéma se nourrit, lui, des rêves d’exploration habitée et place le spectateur dans la peau d’un astronaute voyageant vers un autre monde. Là aussi, les conditions entre Mars et Vénus sont bien différentes. En effet, à part le port d’une combinaison spatiale en dehors des habitats, la vie sur Mars est présentée comme ressemblant énormément à la vie dans un désert (où les films sont tournés). Cependant sur Vénus, atteindre la surface est impossible avec les technologies actuelles. Dans un premier temps, on peut vivre dans de vaste habitat flottant dans les nuages, ce qui est très loin d’être familier pour le public et difficile à reproduire pour les équipes de tournage. Ainsi, il y a une grande différence de production cinématographique entre Mars et Vénus. Selon Wikipédia, depuis les années 70, un seul film (à bas budget tourné en noir et blanc) , une serie et une docufiction (qui explore tout les deux la totalité du le système solaire) présente une mission habitée sur Vénus. Par comparaison, 24 films se déroulent sur Mars dont des blockbusters hollywoodiens et au moins 6 séries télévisées et docufiction.
La disparité de traitement entre la planète rouge et le reste du système solaire fait apparaître la future exploration habitée sur Mars comme une évidence. Les médias surfent donc, sur toute avancée technologique dans le spatial pour la présenter comme un pas de plus vers Mars. De même beaucoup d’interviews d’astronautes se terminent par une question sur sa volonté et le délai pour aller sur la planète rouge. Sachant que Mars est, de loin, la planète la plus connue, les jeunes agences spatiales souhaitant se faire un nom, sont quasiment obligées d’y envoyer une sonde même si l’astre est déjà massivement scruté. Il n’est donc pas étonnant de voir ainsi la majorité des personnes s’intéressant à Mars, qu’elles connaissent le spatial ou non. Animé par cette passion, un grand nombre de groupe de réflexion dans les agences spatiales, les universités ou dans des associations se sont formées pour établir des projets d’exploration habitée martienne. Il ne se passe donc pas un mois sans qu’un nouveau projet soit avancé, avec à chaque fois, des approches ou des optimisations différentes. Finalement, on peut trouver sur internet des informations sur chaque détail d’une mission martienne, du dimensionnement des vaisseaux de rentrée à la composition des repas, en passant par les protections anti-radiations. Ces projets continuent à entretenir l’image d’un débarquement martien proche et donne des idées aux cinéastes qui produisent des films, ce qui crée une boucle entretenant la passion pour cette planète.
On ne retrouve pas un tel cercle vertueux pour Vénus. Faute de missions en nombre suffisant, les medias n’en parlent pas beaucoup, le public ne s’y intéresse donc pas. Ce manque d’intérêt combiné au caractère atypique de l’exploration vénusien (camp de base atmosphérique) fait qu’il n’y a quasiment pas d’étude sur des missions habitées. Faute de pouvoir se projeter dans un astronaute explorant Vénus, il n’y a pas de film sur le sujet et la passion ne se propage pas. Vu qu’on n’en parle pas, Venus se fait oublier et aujourd’hui le public croit souvent que Mars est la planète la plus proche de la Terre en termes de distance et de caractéristiques.