En 1973, La course à la Lune est finie. Les américains ont atteint leur objectif avec le programme Apollo mais les budgets exorbitants qui lui étaient alloués sont coupés poussant à l’annulation des dernières missions. Le programme Skylab qui réutilisait ses éléments est en cours et la suite est un projet de navette spatiale qui doit diminuer les coûts d’accès à l’espace mais demande un investissement énorme. Pour l’exploration robotique, le programme Mariner a pris fin et a clairement fait pencher les USA du coté de Mars. Cette tendance se confirme avec la préparation de l’ambitieux programme Viking. La NASA voit même au-delà car les sondes Pioneer 10 et 11 sont en vol pour ouvrir la voie au programme Voyager d’exploration des géantes gazeuses.
Coté soviétique le bilan est bien moins flatteur. Le programme lunaire habité est un échec et le programme Soyouz vient juste de reprendre après la catastrophe de Soyouz 11. L’exploration menée par l’OKB Lavotchkine a perdu son chef, Gueorgui Babakine, quelques années auparavant et l’exploration martienne se solde par des succès techniques mais surtout d’innombrables échecs. L’exploration lunaire robotique a plus de succès avec les programmes Luna et Lunohkod qui permet des retours d’échantillons et l’utilisation de rover. N’ayant plus beaucoup à apporter, le programme Luna est sur le point de finir. Maintenant que les dernières sondes Venera lancées par Molnia ont apporté des confirmations sur les conditions atmosphériques, ce qui permet d’envisager des missions plus conséquentes.
Ce fut chose faite pendant la fenêtre de juin 1975. La masse des sondes V75 passe à 5t (contre 1t auparavant) et comprend comme les missions Mars, un orbiteur et un atterrisseur étudiés pour résister aux conditions de surface infernales. Deux de ces sondes sont parfaitement lancées par des fusées Proton et prennent les noms de Venera 9 et 10. Les orbiteurs fonctionneront pendant respectivement 158 et 144 jours. Les atterrisseurs massifs de 1,6 tonnes font une rentrée dans un bouclier thermique sphérique puis descendent sous parachute. La densité des couches les plus basses de l’atmosphère est telle que les parachutes sont largués et la sonde se pousse comme un caillou au fond d’une mare. Il fonctionne chacun pendant près d’une heure rapportant de précieuses informations sur la géologie en surface et les conditions d’éclairage. Ce sont aussi les premières sondes à envoyer une image depuis une autre planète (si l’on excepte les fragments de données de Mars 3) qui montre un sol volcanique couvert de pierres non érodé et illuminé comme une journée terrestre nuageuse.
Le programme Viking est un succès dont les orbiteurs et atterrisseurs continuent à fonctionner pendant des années, temps pendant lesquelles aucune autre sonde ne sera lancée vers Mars. Face au succès du JPL, le Ames research center (ARC), qui possède une expertise dans les sondes du milieu interplanétaire avec Pioneer souhaite développer ses compétences dans l’exploration planétaire. Il se tourne vers Vénus que les américains ont délaissé et développe une mission économique basée sur deux vaisseaux (chacun lancé par une Atlas-Centaur).
Contrairement aux missions soviétiques ou aux missions Vikings, l’orbiteur et les sondes atmosphériques ne voyagent pas ensemble mais s’inspirent d’une plateforme commune héritée de satellites de communication. Les deux sondes sont lancées pendant la fenêtre de 1978. La première sonde Pioneer Venus est l’orbiteur qui décolle longtemps avant la fenêtre optimale et se place en orbite le 4 décembre 1978. Pendant les 13 années de fonctionnement, elle fait une étude de l’atmosphérique et parvient à dresser une carte topographique de 65% avec une résolution allant de 100 à 50 km. Pioneer Venus multiprobe qui porte les sondes atmosphériques est lancée plusieurs mois après mais arrive sur Venus cinq jours plus tard. Elle comprend quatre sondes, une large de 315 kg est larguée sur l’équateur sur la phase éclairée. Trois sondes plus petites de 90 kg sont lancées vers le nord, le sud et une à l’équateur mais sur la phase obscure. Ces quatre sondes apportent un grand nombre d’informations sur l’opacité des nuages et la vitesse des vents aux différentes altitudes.
Au cours de la fenêtre de 1978, les soviétiques envoient les sondes Venera 11 et 12 qui sont toutes les deux lancées correctement par une fusée Proton. Contrairement à Venera 9 et 10, les missions 11 et 12 ne comprennent pas un atterrisseur et orbiteur, mais un atterrisseur et une sonde de survol qui a surtout pour rôle de relayer les signaux de la sonde vers la Terre. Les couvercles des appareils photos ne s’ouvrent pas et divers instruments d’analyse de surface ne fonctionnent pas mais de nombreuses informations sont rapportées sur la chimie de l’atmosphère.
Cette double mission est répétée quasiment à l’identique en 1981 avec Venera 13 et 14. Cette fois-ci, les sondes fonctionnent parfaitement et apportent de précieux enseignements sur la composition du sol de la planète.
Le programme Venera prend fin avec les missions Venera 15 et 16 lancé en 1983. Cette fois-ci elles ne comprennent pas d’atterrisseur, mais la masse ainsi économisée est remplacée par des instruments. L’équipement le plus emblématique est le radar à synthèse d’ouverture qui permet de dresser une carte topographique de 30% de la surface avec une résolution de 2km ce qui est entre 4 à 20 fois mieux que tout ce qui a été fait avant.
Une ambitieuse mission double consacrée à Vénus était aussi en préparation. Un grand ballon atmosphérique conçu par la France devait être transporté et relayé par un orbiteur soviétique et présentait donc un niveau de coopération encore jamais vu. Mais la mission fut complètement modifiée afin de permettre l’exploration de la comète de Halley qui devait faire un passage en 1985. Pour ce faire, les sondes reprirent la forme des missions Venera 11, 12, 13 et 14 avec une sonde de survol qui devait étudier Vénus puis continuer son trajet vers la comète. L’atterrisseur fut peu modifié comparé aux missions précédentes mais emporté dans son bouclier thermique, un ballon bien plus petit que les plans originaux. Ces ballons n’emportent plus que quelques instruments et surtout un émetteur qui permet de suivre avec une grande précision les ballons depuis la Terre.
Même si, pour des raisons politiques, le ballon est construit en URSS, la France conserve la tâche de coordonner le réseau mondial de communication avec les ballons basés principalement sur le Deep space network du JPL. Au vu de leur double objectif, les missions prennent les noms de Vega 1 et 2 (Venera-Galleya =>Vénus-halley en russe) qui décollent en décembre 1984. L’atterrisseur de Vega 1 subit une rafale particulièrement violente à 20km d’altitude qui font croire à la sonde qu’elle s’est posée et active ses instruments qui ne seront pas opérationnels au moment de l’atterrissage. Cependant, l’atterrisseur de Vega 2 fonctionne parfaitement et apporte de précieuses informations sur la surface et l’atmosphère. La sonde atmosphérique fonctionne pendant 2 jours terrestres chacun, ce qui suffit à faire la moitié du tour de la planète poussée par les vents. Les quelques instruments embarqués (thermomètre, baromètre, anémomètre, photodétecteur, néphélomètre) communiquent directement avec la Terre toutes les 75 secondes.
En plus des données transmises, l’écoute de cette transmission par des radiotélescopes du monde entier permet de suivre le mouvement des ballons et de mieux comprendre la dynamique de l’atmosphère. Une fois le survol de Venus effectué, la sonde spatiale continue sa route et survole halley 9 mois plus tard avec autant de succès.
Ce furent les dernières missions soviétiques vers Vénus car avec la crise économique qui frappe le pays, Lavotchkine ne peut se concentrer que sur les missions Phobos qui étudient Mars avec succès mais n’arrivent pas à atteindre sa lune. Côté américain, la navette spatiale est enfin opérationnelle et libère du développement des sondes Viking et Voyager, le JPL et Ames peuvent se consacrer à une ambitieuse mission vénusienne nommée VOIR. La mission est pourtant annulée pour des raisons budgétaires et le JPL propose une nouvelle sonde, appelé Magellan, plus légère, constituée principalement d’un radar à synthèse d’ouverture qui permet de faire une carte topographique de la planète.
La sonde décolle le 4 mai 1989 dans la soute d’une navette spatiale qui la dépose en orbite basse avec un étage de propulsion pour Vénus. Arrivé sur objectif, un autre étage de propulsion intégré à la sonde permet à Magellan de se placer en orbite polaire afin de scanner une portion toutes le 3 heures. Avec la lente rotation de Vénus, la sonde peut scanner entièrement la planète en 243 jours. Cette étude complète sera répétée 5 fois afin d’affiner les mesures. La carte complète d’une résolution de 150 m qui résulte de cette mission est la principale source d’informations sur l’histoire géologique de Vénus que nous possédons actuellement.