Formation
Selon ce que nous connaissons, Vénus a dû se former comme la Terre, par acression d’éléments du disque protoplanétaire. On aurait donc tendance penser que les deux planètes étaient identiques à l’origine, ce qui rend leur divergence d’autant plus incompréhensible. La première de ces énigmes est la vitesse de rotation. Le disque protoplanétaire tournait dans un sens prograde, ce qui fait que six des huit planètes ainsi que la majorité de leurs lunes, tournent dans le sens prograde autour de leur axe. Les deux exceptions sont Uranus qui est couché sur son orbite et Vénus qui tourne lentement dans le sens rétrograde. On ignore d’où vient ce sens de rotation, l’hypothèse d’un grand impact n’est étayée par aucune preuve. On n’a pas non plus de modèle dans lequel une atmosphère, même aussi massive que celle de Vénus, puisse arrêter complètement une planète et la refaire partir dans l’autre sens. De plus, au cours de la soixantaine d’années d’exploration de Vénus, on a observé des variations de vitesse de rotation. Des variations sur une si courte période (d’un point de vu astronomique) semble indiquer que le processus de modification de la vitesse de rotation est instable et toujours en cours.
On suppose que le disque protoplanéaire était relativement homogène et au vu de leur proximité, la Terre et Vénus ont dû être constituées des mêmes éléments. La structure profonde devrait donc être proche avec un noyau constitué d’éléments lourds et radioactifs. Mais la rotation du noyau provoque sur Terre un fort champ magnétique qui n’a pas ou plus d’équivalent sur Vénus. On ne peut donc pas savoir s’il y a bien un noyau solide, ou liquide, et s’il est encore ou a été en rotation. De plus, la chaleur générée par le noyau provoque des mouvements du manteau liquide qui entraînent le déplacement de la croûte en surface selon le modèle de la tectonique des plaques terrestres. Mais il n’y a pas de tectonique des plaques sur Vénus et le peu d’activité volcanique détectée est trop faible pour évacuer la chaleur d’un noyau planétaire similaire à celui de la Terre. Pour l’instant, on ne sait pas si la chaleur s’évacuait au cours d’épisodes de resurfaçage, par conduction à travers la croûte ou que le cœur s’est éteint pour une raison inconnue. Afin de trancher, il faudrait des études sismographiques, un suivi des déformations de la croute et une analyse chimique en surface. On pourrait aussi en profiter pour étudier l’oxydation de la surface, car au vu de la pression et la température le CO2 aurait dû réagir de façon plus intense avec les roches.
Habitabilité
Avec le seul exemple de la vie terrestre, il est impossible de conclure si la biologie basée sur la chimie complexe du carbone est l’unique possible, ou s’il en existe des formes tellement différentes qu’elles pourraient vivre dans des environnements qui seraient hostiles même aux extrémophiles. Le thème habitabilité est donc volontairement limité ici à des environnements susceptibles d’abriter la vie telle que nous la connaissons sur Terre.
En cas d’analyse de la surface, il faudra aussi chercher des traces de présence passée d’eau liquide. En effet, si la planète s’est bien formée comme nous le pensons, elle aurait dû récupérer d’importantes quantités d’eau pendant la phase d’accrétion et par bombardement cométaire. Cette eau a dû être liquide dans un premier temps, formant des océans dont la superficie et la profondeur sont à déterminer. Il est donc nécessaire de confirmer cette présence d’eau passée et en déterminer la quantité. On doit donc chercher des roches hydratées notamment dans les tresseras (terrains les plus anciens encore exposés) ou des dépôts sédimentaires dû à l’écoulement d’eau.
Une petite partie de cette eau est encore présente dans l’atmosphère sous forme d’acide sulfurique au sein des nuages, mais la grande majorité a disparu, reste à savoir comment. Aujourd’hui, l’hypothèse la plus communément admise est qu’elle a disparue par perte atmosphérique. L’eau serait remontée dans les couches hautes de l’atmosphère où elle aurait été dissociée en oxygène qui aurait formé le CO2 et en hydrogène soufflé par les vents solaires. Cependant, une modélisation d’évolution planétaire récente (septembre 2019) semble indiquer que la planète était habitable il y a seulement 750 millions d’années et il est peu probable que des océans entiers aient pu être soufflés en si peu de temps. Il est donc important d’étudier les traces d’eau liquide en surface pour en estimer la quantité passée et d’analyser les pertes atmosphériques pour en déduire le débit. Cela n’est pas seulement essentiel pour la compréhension de Vénus mais aussi pour avoir un second modèle de développement planétaire d’astres de taille terrestre pour voir comment il s’applique aux exoplanètes. Bien plus proche de nos préoccupations du quotidien, l’étude du phénomène qui a rendu Vénus inhabitable est importante pour comprendre si ce phénomène peut se reproduire sur Terre et comment on pourrait éventuellement l’éviter.
Atmosphère
L’atmosphère de Vénus est unique dans le système solaire de part ses dimensions. On connaît le comportement d’une atmosphère d’une densité faible, jusqu’à une pression de 1bar grâce à l’étude de la Terre. Mais sur Vénus, c’est comme si au lieu de se heurter à la surface, cette atmosphère repose sur 50km d’air supplémentaire ayant une pression et une température importante. En glissant sur cette couche inférieure, la zone des nuages est en super-rotation, 50 fois plus vite de la surface. Au-dessus, vers 100km d’altitude, le comportement est encore plus étrange, car l’air du centre de la face jour se dirige vers le centre de la face de nuit. Enfin encore au-dessus, dans la thermosphère, la circulation de l’atmosphère suit de nouveau le régime de super-rotation. On a actuellement aucune certitude sur la nature de la force qui pousse une atmosphère aussi massive à se mettre en mouvement et à s’y maintenir.
On suppose que cette rotation est liée au soleil, mais on ne sait pas si c’est dû à son influence gravitationnelle ou thermique. Mais pour en savoir plus sur cette influence thermique, il faudrait affiner nos modèles de bilan radiatif. Le bilan radiatif est la quantité d’énergie reçue et renvoyée par une planète. Pour Vénus, les modélisations actuelles ne sont pas satisfaisantes car elles ne permettent pas de décrire ce que nous observons. Il faudrait en outre mieux comprendre comment circule la chaleur dans les « océans » de CO2 critique en surface ou la réflectivité au sein des nuages et des couches de brume inférieure.
Il y a aussi, dans les couches hautes de l’atmosphère, un élément qui peut avoir un impact significatif sur le bilan radiatif. Cet élément a été découvert par les orbiteurs qui ont observé des taches d’absorption dans le spectre ultraviolet pouvant s’étendre jusqu’au visible. Ces taches évoluent en dimension et dans le temps à un rythme qui correspond à aucun modèle satisfaisant. Notre ignorance sur ces origines lui vaut d’être connue dans la communauté scientifique simplement sous le nom « d’absorbeur inconnu ». Pour l’instant, l’hypothèse majoritaire est une série de composants de souffre et/ou de chlore qui évoluerait selon un cycle qui reste à déterminer. Une autre hypothèse, plus enthousiasmante, est que ces taches soient dues à un processus biologique. En effet, on connaît sur Terre des bactéries capables de résister à l’acide et qui absorbent les UV. On peut très bien imaginer que si la vie s’est développée pendant la période habitable, elle aurait migré pendant l’évaporation de l’eau puis se soit adaptée à l’environnement acide. Même improbable, cette découverte de la vie, bouleverserait la vision que l’humanité a sur sa place dans l’univers. En effet, avec le seul et unique exemple terrestre, il est impossible d’estimer la densité de vie dans l’univers. Certains pensent que nous en sommes la seule et unique occurrence alors que d’autres pensent qu’il y en a partout où cela est possible. La découverte de vie si près de nous, dans un environnement aussi différent, ferait largement pencher la balance du second coté.